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  • Photo du rédacteurAïkà De Lire délire

#Librinova : Fuir les mots d'Anne Vaillancourt



Ami.e De Lire bonjour,

Avant de commencer, je tiens à remercier chaleureusement les éditions Librinova pour cette découverte éditoriale remarquable.


Aujourd'hui nous allons parler du roman intitulé Fuir les mots d'Anne Vaillancourt, paru en mars 2023 aux éditions Librinova, 161 pages.


LE SAVIEZ VOUS ?


Anne Vaillancourt est une écrivaine québécoise née à Chicoutimi, au Canada. L’aide médicale à la fin de vie, aussi appelée aide médicale à mourir ou euthanasie active volontaire, est une pratique qui permet à une personne adulte consentante et souffrant d’une maladie grave et incurable de demander à un médecin ou à un infirmier praticien de lui administrer des substances qui provoquent son décès. Au Canada, cette pratique est légale depuis 2016, suite à une décision de la Cour suprême du Canada qui a jugé que l’interdiction de l’aide médicale à mourir violait la Charte canadienne des droits et libertés. La loi fédérale a été modifiée en 2021 pour élargir les critères d’admissibilité et le processus d’évaluation.


Présentation de l'éditeur


Claire, médecin, participe à l’instauration de l’aide médicale à mourir. Lors d’une nuit d’été étouffante, elle part subitement, laissant derrière elle son compagnon et ses soucis professionnels. Elle se lance alors dans un périple inattendu, où le silence est roi et les mots s'évanouissent.

Les paysages du fleuve Saint-Laurent laissent peu à peu remonter les souvenirs de son passé familial, peuplé d'êtres aimés disparus, dont les voix résonnent dans son esprit. La nature est un refuge d’où émergent d’autres mots, ceux des non-dits et de l’inventaire de son estuaire de finitudes. La transformation se dessine ici de manière subtile. Elle s’inscrit dans un réalignement plutôt qu’un changement de trajectoire, mais n’en porte pas moins les germes d’un réel recommencement. Sortira t-elle des impasses à l’origine de sa fuite ?

Dans Fuir les mots, découvrez un récit poignant et évocateur, tissé de fragments, qui invite à une réflexion émouvante sur l’expérience humaine.

Une fugue salvatrice

Claire, la cinquantaine, est médecin dans une unité de soins palliatifs. Elle est confrontée au débat sur l'aide médicale à mourir, qui divise ses collègues et la met en difficulté face à certains patients. Elle traverse aussi une crise de couple avec son compagnon Claude, qui ne comprend pas son mal-être. Un soir d'été, elle décide de prendre la route, sans destination précise, en laissant derrière elle son téléphone, ses affaires, ses arguments, ses mots. Elle s'en va se réfugier dans le silence et l'observation de la nature, qui lui rappelle les paysages de son enfance au bord du fleuve Saint-Laurent.


Pour ma part,


Virevoltant dans le passé et le présent, Fuir les mots est à la fois le récit d'un burnout éthique dans le milieu médical manifesté par une "fugue" et d'une profonde introspection. Il y a des moments dans la vie pro ou perso où l'on n'a pas de meilleur choix possible que de faire un break pour se ressourcer et mieux se retrouver.


Ce roman écrit à la troisième personne nous plonge dans les réflexions de Claire, une médecin qui participe à l'aide médicale à mourir et qui décide de quitter son compagnon et son travail pour se lancer dans un périple contemplatif, où elle se coupe des mots et se reconnecte à la nature et à son passé.


C'est ainsi que les souvenirs que l'on croyait oubliés refont surface: les plus beaux comme les plus douloureux... Je ne vous en dis pas plus, vous le découvrirez en lisant le roman.

Les mots ne sont pas toujours nécessaires pour exprimer ses sentiments ou communiquer avec les autres.


La mort fait partie de la vie et le mieux qu'on puisse faire c'est de l'accompagner avec respect et dignité.


C'est un récit à la fois terre-à-terre et poétique, avec d'éloquentes descriptions du paysage canadien et qui aborde des thèmes sensibles comme la fin de vie, le deuil, la relation mère-fille, le silence et la communication.


Mention spéciale pour les extraits de chansons, les références littéraires et les peintures sublimes de l'auteure en couverture et qui viennent jalonner le récit. En voici un superbe exemple :





Quelques citations:

"Ses mots à elle se muent en un magma informe, dont la force de gravité les aspire vers la terre. Se terrer, se taire.

Ils ne savent rien de la beauté, que l’élan qui les habite tant et si fort."


"Trente-quatre heures se sont écoulées depuis son départ de Montréal. Deux nuits qu’elle n’a pas dormi dans son lit. Alors que rien de tout cela n’était prévu. Une impression d’étrangeté l’envahit. Qu’est-elle en train de faire au juste ?"


"Jusqu’à présent, aucun mot n’émergeait d’elle, pas même en pensée. Cette abstention lui procurait une certaine consistance dont elle commençait à mesurer la pesanteur stabilisatrice. Surtout, ne pas trahir ce silence par des mots prématurés, réducteurs. S’abstenir pour garder, se garder, conserver l’intégrité."



"Elle entend encore ce mot "effrontée" qui, prononcé par Mathilde, résonnait comme le jugement dernier. Le mot d’ailleurs s’écrit au féminin, avec un E à la fin. Comment pouvait-on oser la provocation, la sensualité, l’affranchissement, et surtout l’afficher aussi fièrement? Telle devait être la définition du mot "effrontée" pour Mathilde."


"Le silence de ses messages la relie encore à lui, une sorte de communion intime, chacun de leur côté de la faille. Elle pourrait lui envoyer une simple photo de la plage sans autre explication pour le moment, pour qu’il continue de ne rien faire."



"Concernant son départ, il n’y a rien à dire. L’arrivée des mots, prématurés, risque d’ériger des digues. Toute tentative pour décrire, circonscrire, rassurer, colmaterait la brèche avant même de l’avoir inventoriée. Une certitude s’impose. Garder le silence. Fuir les mots, ceux qui vous capturent et vous emprisonnent comme un lasso."



"Marcher pieds nus dans le sable, un pas, puis un autre. Relativité des lieux, des choses, des liens. Temps suspendu, temps qui enterre et fait renaître, tout à la fois."



"Dans la bibliothèque qui occupe la place centrale du premier étage, des murs entiers tapissés de livres s’étalent de haut en bas. Ils deviennent de véritables artefacts , autant de témoins dévoilant les caractéristiques des membres de la famille, âges, goûts, préoccupations et même leurs écueils. Cela donne une espèce de portrait de famille à laquelle s’ajoute un chien, probablement un Golden Retriever, à en juger par la section volumineuse consacrée à la gent canine aux longs poils blonds."



"Peut-être que sa mère était devenue une de ces femmes épuisées, fatiguées de leurs enfants, de leurs sempiternels devoirs, de leur mari toujours parti, de leur vie faite de soucis. Mathilde, un puits asséché, vidé de sa substance nourricière. Toujours levée la première, affairée à mettre la table du déjeuner pour le père et la fratrie, tout en veillant sur la cafetière au percolateur pour qu’elle infuse juste assez le café et qu’il répande son odeur dans la fraîcheur du matin. Tout cela était fait et parfaitement exécuté . Le regard de Mathilde s’orientait sur les choses, et ses mains sur les objets à prendre et à manipuler. Mais inutile de compter sur un regard dispensé par inadvertance, complice, réconfortant."



"On s’insurge contre la maladie, le médecin ou l’hôpital jusqu’à en devenir déraisonnable, fou de rage contre ceci ou cela, cherchant la cause et la faute. Mais on ne peut pas toujours gagner contre la mort, et parfois au mieux, seulement un peu de temps, ce qui n’est pas non plus négligeable, pour qui en a besoin."



"Ce n’est pas tout de partir, encore faut-il savoir résister à la tentation de revenir."


"Un crayon à la main, Claire a envie de griffonner ce qui lui passe par la tête. Et pour commencer, tous ces mots en M : mentir, malade, médecin, merdique, mort, mortalités, murs, monstres, maison, métamorphose, matrice, mer, montagne, monde…Mathilde. Les aligner ces mots, qu’ils émergent, qu’ils disent, qu’ils s’éclatent."


"Imperturbable, le credo de Mathilde s’articulait fondamentalement sur la notion de devoir, bien alimenté par le clergé qui réservait aux femmes un rapport privilégié au sacrifice. Cet enrôlement de l’âme rendait gloire aux listes des « il faut »,« je dois »,« tu dois », qui meublent une vie et, plus sournoisement, finissent par devenir de vrais tueurs du verbe aimer."


"Si au moins elle avait pu dire pourquoi, il y aurait eu le début de quelque chose. Les non-dits ne se contentent pas du silence, ils ponctuent les conversations et les envahissent jusqu’à ce qu’ils deviennent un éléphant dans la pièce."


"Elle gardera intact le mystère de Mrs Dalloway sans parvenir tout à fait à en capter l’essence, autant d’anecdotes et d’impressions surgies du passé et du présent, alternance de paroles et de silences, en quête de sens, de soi, des autres. Il lui faudrait encore une fois relire Mrs Dalloway."


Anne Vaillancourt in Fuir les mots, Librinova, 2023



Pour conclure,


+ À lire si votre souhait est d'ouvrir votre esprit sur la question de l'accompagnement médical à la fin de vie. De comprendre les chemins qui mènent à un tel choix et ses conséquences. Mention spéciales pour les peintures de toute beauté.


- S'abstenir si et seulement si vous y êtes irrévocablement contre.


Et vous, avez-vous déjà lu Fuir les mots d'Anne Vaillancourt? En avez-vous ressenti la profondeur et l'échappée mélancolique ?

Dans tous les cas, je vous invite à me faire part de votre avis en commentaires ou via le petit formulaire de contact.

Littérairement vôtre,


Aïkà

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