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Photo du rédacteurAïkà De Lire délire

Service Presse : Une somme humaine de Makenzy Orcel

Dernière mise à jour : 15 nov. 2023



Ami.e De Lire bonjour,


Avant toute chose je tiens à remercier chaleureusement Lecteurs.com et les éditions Rivages pour cette découverte éditoriale remarquable.


Aujourd'hui nous allons parler du roman intitulé Une somme humaine de Makenzy Orcel, paru en juin 2022 aux éditions Rivages, 622 pages.


Présentation de l'éditeur


La voix de l’héroïne nous parvient depuis l’outre-tombe. À la fois anonyme et incarnée, c’est la voix d’une seule femme et de toutes les femmes. Elle nous raconte dans des carnets dérobés au temps et à la mort une enfance volée, une adolescence déchirée, une vie et un destin brisés.

Ayant grandi dans un village de province où règnent la rumeur et la médisance, négligée par ses parents, surtout par sa mère qui lui préfère les roses de son jardin, c’est à peine si elle trouve quelque réconfort auprès de sa grand-mère plus aimante. Elle s’échappe à Paris dans l’espoir de mener une vie à l’abri des fantômes du passé. Elle y poursuit des études de lettres à la Sorbonne, rencontre l’amour avec un homme ayant fui la guerre au Mali, fait l’expérience du monde du travail, avant de subir finalement l’épreuve de l’abandon et de sombrer dans l’irréversible errance.

En nous livrant l’autobiographie d’une morte dans une langue fulgurante, Makenzy Orcel nous fait pénétrer, à travers cette Somme humaine, deuxième volet d’une trilogie initiée par L’Ombre animale, dans le ventre poétique du monde.


Qu'est-ce qu'une somme humaine ?


En additionnant vicissitudes, tragédie et poésie, on obtient une somme humaine.


À travers ce cahier grandiose, la narratrice dont on ne connaîtra jamais le nom, depuis l'au-delà, nous livre, en somme, la tragédie que fût son existence sur cette Terre.


Cette si jeune existence à laquelle elle mit fin en se jetant sous la rame d'un métro, sous l'effet du désespoir dévorant et de la misère affective qui la mine intérieurement depuis toujours.


Cette voix nous raconte son enfance dans un village désuet, aux mœurs d'un temps révolu et perdu dans l'une de nos campagnes française, au sein d'une famille aisée mais toxique: père absent et effacé, mère égoïste et indifférente, oncle dominateur et prédateur sexuel. Sa grand-mère fait figure d'exception.


Cette toxicité se confirme davantage le jour où à peine adolescente, elle subit un viol perpétré par son oncle dans la mesure où elle se confiera à sa mère qui ne la croira jamais, préférant rester dans le déni et la rendant coupable de vouloir entacher leur réputation et de leur gâcher la vie.


À sa majorité, elle quitte enfin ce simulacre de vie familiale à la campagne pour étudier à Paris avec l'aspiration de se construire un présent acceptable et un avenir meilleur.


Paris, la Ville des Lumières, pour revivre, se projeter. Notre héroïne y trouvera l'amour pour ensuite le perdre et ainsi s'engouffrer dans une spirale infernale dont la mort lui paraîtra in fine comme l'ultime délivrance.



Pour ma part,


C'est un destin cruel sous la forme d'une prose titanesque sans majuscule, exceptés les noms propres, ni point ni guillemets.


Le tour de force magistral se situe dans la fluidité du récit malgré cette volontaire contrainte de rédaction : le texte est expressif, rythmé par les chapitres et la poésie tandis que le registre employé est tantôt trivial, tantôt lyrique.


Malgré l'art et la manière, ce chef-d'œuvre grandiose me laisse mi-figue mi-raisin.


Il est d'usage que les tragédies que l'on raconte servent de rêve ou de mise en garde. Fort heureusement, Une somme humaine n'échappe pas à ce lieu commun. À mon humble avis, c'est le seul "prix de consolation" de ce destin cruel conté par cette voix outre-tombe.


L'histoire est à mon goût, trop déchirante pour s'en enthousiasmer davantage: l'on en ressort avec des images spectrales d'angoisse, de désespoir, de solitude et de mélancolie.


Quelques citations :


"Paris, je ne pouvais pas espérer mieux, je m'estimais chanceuse, surtout parce que je m'étais dit qu'ici c'était le lieu idéal pour tout réparer, oublier, j'y croyais en plus, jusqu'à l'affreux creusement du vide, l'inévitable miroir déformé du temps, le sentiment que je n'étais nulle part à ma place, que n'importe où ailleurs serait une effraction dans la mauvaise existence, alors je fis demi-tour et claquai la porte derrière moi, c'était bien réfléchi, juste une étoile qui s'effondrait sur elle-même...

et un beau jour tout redevient visible, perceptible, nu, percutant, dégoûtant, on en a marre de cet enfant maudit, ce mirage oublié peut-être par sa mère au fond d'une poubelle, on a son content de frustrations et d'amertumes, on se demande comment on a pu accepter ça, s'abrutir à ce point, on se rend compte souvent trop tard que l'autre ne faisait que se servir, et puis vous mentir, vous mentir, sans scrupule..."


"j'avais quelque- fois une fâcheuse tendance à abuser des maximes, à la manière de ces écrivains qui se font l'éducateur de leurs lecteurs, telle une irrésistible inclination, par ailleurs j'avais mis trop longtemps, et peut-être toute ma vie, à comprendre que le couple était une mauvaise blague, comme le péché, la culpabilité, le pardon, le bonheur, et toutes ces plaisanteries, que le monde tournait encore en son sein grâce à ces mensonges auxquels les gens croient dur comme fer, et ce n'était pas plus mal que si on se mettait tous à avouer la vérité, toute la vérité..."


"la fin de notre relation commença ce soir-là, une comédie de rupture qui avait duré un peu plus de quatre ans au bout desquels je comprenais que je n'avais aucune pitié pour moi en me forçant à croire le contraire, en faisant des efforts, et en me convainquant que ça en valait la peine, j'avais du mal à accepter que je pouvais vivre sans certaines choses, même les plus belles, les plus sécurisantes, les avoir sans qu'elles soient un poids, leur imposer mon propre rythme... au fond, je voulais qu'on me sauve ou sauver quelqu'un, je ne sais pas, on s'était trompés de passion,"




"Paris s'incruste dans notre ventre, grandit, s'embellit en se repaissant de notre jus, de nos viscères, comme toutes les grandes villes d'ailleurs, pour survivre elles ont besoin de boire le sang, de manger la chair de leurs habitants, l'humain n'est qu'un pion dans la terrible mécanique d'une modernité moribonde..."




"mais, d'une part pervertie par les impératifs familiaux, maintenue à flot grâce à la fortune de son mari d'autre part, elle avait laissé ce rêve à l'abandon, dérogé à elle-même, en incarnant à la perfection le rôle de femme au foyer, avec tellement d'implication qu'elle s'oubliait parfois, qu'on aurait dit qu'elle était taillée pour ce rôle, qu'elle ne savait faire que ça et n'aurait pu être rien d'autre, un enchaînement de pis-aller non conformes à ses espoirs, corollaires nécessaires à sa survie..."




"il m'arrivait de rester pendant des heures, assise dans un coin, pas trop loin ni trop proche, à écouter leurs papotages fétides, ces propos n'éveillaient aucun sentiment de honte chez eux, vous savez, ce sentiment qui nous surprend parfois et nous fait nous demander si c'est la bonne façon de penser, d'agir... vous l'aurez compris, j'ai grandi parmi les pires animaux qu'on puisse trouver sur cette terre... "



"peut-être un peu cons, et ivres par-dessus le marché, mais ils ne sont pas plus vulgaires et dégueulasses que le jeune Blanc parisien suffisant et arrogant qui refuse de se laisser servir par une serveuse noire, scène à laquelle elle avait assisté et qu'elle n'était manifestement pas près d'oublier..."




"Miséricorde

chemin faisant, derrière mes yeux lourds et chauds foisonnait un tas de pensées et de questions, si certaines émergeaient puis disparaissaient sans laisser d'empreintes particulières, d'autres m'éblouissaient, me répugnaient, comme si elles venaient d'une autre, et de très loin"




"les questions n'obéissaient pas aux ordres de passage, le bordel qu'elles créaient dans mon esprit me rappelait ces villes dont parlait grand-mère où même l'air qu'on respire était chargé de conflits..."


Makenzy Orcel in Une somme humaine, Rivages, 2022.



Pour conclure,


+À lire si vous aimez les longs récits racontés avec lyrisme et qu'entrevoir les vices de notre humanité ne vous effarouche pas.


-Âmes candides, passez votre chemin.


Et vous, avez-vous déjà lu Une somme humaine de Makenzy Orcel ? Cette lecture vous a-t-elle plu?


Je vous invite à me faire part de vos impressions en commentaire ou via le petit formulaire de contact situé juste en bas de cet article.


Littérairement vôtre,


Aïkà

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